04 avril 2024
Décarbonons ensemble le secteur de l’autonomie !
Publication du rapport final
Lire la synthèse04 avril 2024
Publication du rapport final
Lire la synthèseAprès avoir estimé l’impact du système de santé sur le changement climatique en 2021 et 2023, The Shift Project, en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’École des dirigeants de la protection sociale (EN3S), ont mené un travail de recherche collaboratif sur la décarbonation du secteur de l’autonomie. La Chaire RÉsilience en Santé, Prévention, Environnement, Climat et Transition (RESPECT) de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) y a contribué.
Nous avons le plaisir de vous présenter le rapport « Décarbonons le secteur de l’Autonomie » :
Contexte. Le changement climatique et les tensions sur l’approvisionnement en énergies fossiles, vont profondément perturber le secteur de l’Autonomie. L’offre et l’activité d’accompagnement vont être bouleversées. D’une part, il faut gérer les conséquences croissantes de la dégradation des écosystèmes et des crises climatiques sur la santé des personnes accompagnées et sur les infrastructures de l’Autonomie. D’autre part, il va falloir réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et se passer du pétrole et du gaz : c’est l’objet de ce rapport.
L’objectif ? Identifier et quantifier un ensemble de leviers à activer pour réduire la consommation d’énergie fossile et baisser les émissions de gaz à effet de serre du secteur afin qu’il s’aligne avec l’objectif Européen de 34 % de baisse des émissions annuelles en 2030 par rapport à 2022 et à l’objectif de l’Accord de Paris de baisser de 80 % les émissions annuelles en 2050.
Etat des lieux. Les premiers calculs montrent que ce secteur émet aujourd’hui autour de 10 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an soit environ 1,5 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Si rien n’est fait, ces émissions pourraient augmenter de plus de 40 % d’ici 2050. En cause : la hausse des besoins de prise en charge d’une population française vieillissante.
Leviers d’action. Ce nouveau rapport propose aux acteurs de la branche Autonomie un ensemble de leviers et d’actions de décarbonation quantifiés.
Trajectoires. Il présente également une trajectoire de décarbonation dont les déterminants varient légèrement selon l’évolution du secteur en matière de “virage domiciliaire”. Il ressort que grâce à des politiques volontaristes, le secteur de l’autonomie peut devenir résilient face aux crises énergétiques et réduire ses émissions d’entre 63 % et 70 % d’ici à 2050, soit atteindre moins de 3,7 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an.
La suite ? Ce travail est inédit : il propose pour la première fois une première étape à la mise en œuvre détaillée de la planification écologique à l’échelle d’une branche de la Sécurité sociale. Au-delà du travail présenté ici, ces premiers résultats permettront à la CNSA d’évaluer l’impact sur le modèle économique des opérateurs de la branche d’ici l’été 2024. Enfin, après concertation des parties prenantes, des scénarios de décarbonation pourront être construits et déclinés à l’échelle des territoires, pour en faire un plan opérationnel et permettre une appropriation rapide par les acteurs de la branche.
L’empreinte carbone du secteur de l’autonomie a été calculée à l’échelle départementale et des établissements et services à domicile prenant en charge les personnes âgées ou en situation de handicap.
Elle est estimée à 10 millions de tonnes de CO2e par an. Les résultats montrent que les émissions de gaz à effet de serre forment un quatre-quarts :
1,1 milliards
75 millions
190 millions
6,6 milliards
3 milliards
Nous identifions plusieurs étapes préliminaires nécessaires à la baisse des émissions de GES de l’Autonomie. Ces étapes sont des pré-requis pour soutenir et accompagner une décarbonation plus active du secteur.
Le secteur de l’Autonomie se dotera d’une feuille de route de décarbonation déclinée à l’échelle des territoires, avec des objectifs précis et des actions et des indicateurs clairement identifiées et quantifiées. Cette planification sera co-construite avec les opérateurs de la branche afin d’adapter au mieux les leviers aux spécificités des territoires.
La planification devra être accompagnée d’un plan de financement de la décarbonation du secteur de l’Autonomie. En effet, de nombreux leviers de décarbonation identifiés dans ce rapport nécessitent une forte capacité d’investissement et d’évolution du fonctionnement des organismes gestionnaires et des professionnels.
Ces outils permettront d’un côté de récupérer des données uniformisées de terrain sur des indicateurs standardisés préalablement définis pour suivre et quantifier l’effectivité de ces leviers. De l’autre, ils permettront d’accompagner les structures dans l’organisation de la décarbonation via par exemple une plateforme de partage de bonnes pratiques.
Toutes les formations initiales des professions de l’Autonomie doivent intégrer les enjeux énergie/climat et d’accompagnement décarboné. Concernant la formation continue, le Shift recommande que tous les acteurs du secteur suivent au minimum une formation de 3 jours tous les 5 ans.
La réussite de la mise en place des leviers de décarbonation dépend de l’adhésion des personnes accompagnées aux transformations proposées. Il est essentiel d’ inclure et de consulter les personnes accompagnées et leurs proches dans la réalisation de la feuille de route de décarbonation, mais aussi d’organiser des moments de sensibilisation, sous forme d’ateliers ou de conférences.
Avec le vieillissement de la population, l’augmentation des taux d’accompagnement des personnes âgées et l’augmentation de la prise en charge des personnes en situation de handicap, l’activité du secteur de l’Autonomie, et donc les besoins en ressources matérielles et énergétiques, risque d’augmenter fortement d’ici 2050.
Si aucune politique publique à la hauteur des enjeux climatiques n’est mise en place pour sortir des énergies fossiles, le secteur de l’Autonomie pourrait voir ses émissions augmenter de plus de 40 % d’ici 2050.
Il est donc vital que le secteur de l’Autonomie planifie sa décarbonation pour limiter la pression qu’il exerce sur l’environnement mais également pour limiter sa vulnérabilité aux conséquences du dérèglement climatique et renforcer sa résilience aux crises énergétiques.
Or, nous estimons que 83 % de la baisse des émissions provient de leviers dont l’activation implique totalement ou en partie le secteur de l’Autonomie. Le secteur joue donc un rôle central dans sa décarbonation et l’accélération de la mise en place des actions déjà engagées en dehors du secteur.
Nous estimons que dans la variante “Avec virage domiciliaire”, si le secteur agit sur tous les leviers ici identifiés, les émissions annuelles du secteur de l’Autonomie baisseraient de 24% d’ici 2030 et de 70% d’ici 2050 pour atteindre une empreinte annuelle de 2,9 MtCO2e. Avec les leviers de décarbonation identifiés à ce jour, le secteur de l’Autonomie serait donc en bonne voie mais ne parviendrait pas totalement à atteindre les objectifs de 34 % de baisse d’ici 2030 et de 80 % de baisse d’ici 2050.
Nous avons également évalué les émissions annuelles du secteur de l’Autonomie en cas de virage domiciliaire plus limité : les émissions seraient facialement supérieures, mais cela tient essentiellement au fait qu’une partie des émissions (ex : énergie pour chauffer le domicile) sort artificiellement du périmètre d’étude et n’est pas prise en compte, alors que ces émissions existent toujours (ex : les personnes âgées à domicile chauffent toujours leur domicile) et contribuent toujours au dérèglement climatique.
Ainsi, quels que soient les dynamiques de virage domiciliaire de la branche, les leviers de décarbonation sont nombreux et permettent de baisser significativement les émissions du secteur, tant que le secteur mobilise rapidement, fortement et proactivement ces leviers. En outre, pour que la décarbonation du secteur réussisse et pour réduire également l’impact carbone du domicile des personnes accompagnées, il est nécessaire que le reste de la société agisse également en faveur de la baisse des émissions de GES.
Le secteur sait désormais quels leviers physiques activer pour réduire ses émissions annuelles de 70% d’ici 2050. Pour aller plus loin dans sa décarbonation et atteindre l’objectif de -80% en 2050, le secteur pourrait explorer d’autres pistes encore non envisagées dans ce rapport : mutualisation des espaces, décarbonation plus importante de l’alimentation tout en respectant les besoins nutritionnels, limitation plus importante de la construction neuve, leviers plus strictes sur les gaz frigorigènes utilisés pour la climatisation, etc.
De plus, de nombreuses questions n’ont pas été explorées dans ce rapport, car elles nécessitent d’abord que la branche se saisisse des premiers leviers “ à portée de main” et qu’elle en concerte les approfondissements.
Enfin, un dernier levier pour la décarbonation du secteur et dont le potentiel n’a pas été estimé est celui de la prévention de la perte d’autonomie. Son enjeu va bien au-delà de la décarbonation du secteur et relève d’abord de l’amélioration de la santé publique et des environnements de vie.
Reste qu’il appartient au secteur de l’Autonomie de planifier sa décarbonation, et à tous les acteurs d’agir rapidement et fortement en mobilisant tous les leviers de front : aucun n’est optionnel, tous sont nécessaires.
Les équipes de la CNSA, en lien avec les membres de son Conseil, et l’ensemble des acteurs de la branche Autonomie vont désormais conduire un travail visant à vérifier la faisabilité opérationnelle des pistes présentées dans le rapport. Cette nouvelle phase permettra également d’évaluer les financements à mobiliser pour mettre en œuvre les leviers d’actions et l’outillage des acteurs.
13 Nov. 2024
Avec le soutien de :
N’hésitez pas à solliciter une conférence de présentation du rapport dans votre établissement, pour vos collègues, votre mairie, votre université, votre association, votre syndicat ou votre société savante etc. à : autonomie@theshiftproject.org
Nous remercions la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA) et l’École nationale supérieure de la sécurité sociale (EN3S) qui ont rendu possible ce projet dans le cadre d’une convention de recherche dédiée. En particulier, le Comité de pilotage a permis à l’équipe projet du Shift d’interagir de manière privilégiée avec Vanessa Wisnia-Weill (Directrice du financement de l’offre, CNSA), Christophe Albert (Coordonnateur de projets de recherche, EN3S) et Jean-Louis Bergey (Coordinateur prospective, ADEME). Nous tenons à les remercier vivement pour leur temps et leur expertise précieuse.